Approche théorique

Présentation détaillée à destination des professionnels du soin curieux des référenciels théoriques qui sous-tendent la pratique de l’ICV.

L’ICV se base sur un trépied :

la Ligne du temps, la répétition de la Ligne du temps et l’accordage.

L’accordage

La pratique de l’icv repose sur un trépied : l’accordage, la ligne du temps et la répétition de la ligne du temps. La notion « d’accordage affectif » développé par Stern fait référence au processus par lequel la mère se synchronise à son enfant, lui permettant ainsi « d’être en phase » avec lui d’un point de vue émotionnel.
En psychothérapie, la notion d’accordage émotionnel est fondamentale. Le fait d’être « accordé » à son client permet à ce dernier de se sentir accueilli, écouté et reconnu dans son expérience. Le fait d’être accordé permet au thérapeute d’ajuster son intervention et sa posture pour permettre au client d’intégrer son histoire.
En thérapie ICV, nous nous appuyons sur 3 concepts pour préciser cette notion d’accordage et s’ajuster au client : la théorie polyvagale (Porges, 2011), la fenêtre de tolérance (Siegel, 1999 ; Ogden 2006) et la théorie de l’attachement (Bowlby, ….).

Théorie polyvagale
La fenêtre de tolérance
Attachement

Théorie polyvagale

Le thérapeute pratiquant la thérapie ICV porte une attention particulière aux signaux physiques du patient. Ces derniers vont lui permettre de repérer où se situe le patient dans son système nerveux autonome (SNA). La théorie polyvagale, développée par Stephan Porges, souligne l’importance du SNA dans la régulation des émotions et du comportement. Notre monde intérieur s’ajuste en permanence avec le monde extérieur. Nous sommes programmés pour survivre. Lorsque nous nous retrouvons dans une situation de danger, nous avons 3 réponses possibles, à savoir, l’attaque, la fuite ou le figement. A l’inverse, lorsque nous nous sentons en sécurité, c’est la voie vagale ventrale de notre SNA qui prédomine et prédispose à l’engagement social et à des comportements adaptés. L’engagement dans un comportement pro social nécessite 1/ la neuroception et 2/ si l’environnement semble sûre inhiber les réactions de défense (lutte, fuite ou figement).

La neuroception renvoie à la capacité à évaluer, dans une situation donnée, la sécurité et le danger. Le résultat de cette évaluation va générer une série de réactions physiologiques (ex : rythme cardiaque, transpiration, respiration, etc) qui, à leurs tours, vont déclencher une réponse comportementale. En fonction de notre histoire de vie, notamment si nous avons subi des négligences, des carences affectives durant les premières années de notre vie ou des traumatismes, notre neuroception va être perturbée et se dérégler : des réponses comportementales systématiques se développeront et seront inadaptées au contexte actuel. La thérapie ICV, en montrant au système que le temps a passé, va permettre au client de retrouver une neuroception plus juste. Le corps du client sera plus apaisé et il pourra agir de façon adaptée au contexte actuel.

La fenêtre de tolérance

Le concept de fenêtre de tolérance a été développé par Siegel (1999) et d’autres auteurs dont Pat Ogden (2000). Elle fait référence à la capacité de ressentir et à réguler les émotions, de rester connecté à ce qui se passe ici et maintenant et à ne pas se dissocier. La fenêtre de tolérance est caractérisée par 3 zones (cf schéma). La zone du milieu, appelée zone optimale, représente la zone dans laquelle nous sommes en capacité de ressentir et de réguler nos émotions ; nous pouvons alors apprendre et aller vers les autres.

Lorsque le ressenti émotionnel dépasse notre capacité de régulation, deux options sont possibles : soit nous sortons de la fenêtre de tolérance vers le haut – on parle d’hyperactivation physiologique du SNA (action, agitation) ; soit nous sortons de la fenêtre de tolérance vers le bas – on parle d’hypoactivation physiologique du SNA (anesthésie, immobilisation, figement). En cas d’hyper- ou hypoactivation importante, on parle de dissociation.

Attachement

En fonction de la manière dont nos figures d’attachement (généralement les parents) ont pris soin de nous tout petit et enfant, nous allons construire une certaine image de nous-même, des autres et du monde. Lorsque les parents ont répondu de manière adaptée à nos besoins fondamentaux (physiologiques, affectifs, etc) nous pouvons développer une bonne estime de nous-même et faire confiance aux autres et au monde environnant. Nous apprenons et comprenons que nous disposons des ressources nécessaires pour la gérer les moments et événements plus difficiles de la vie. Nous savons que nous trouverons également du soutien si besoin.

Dans une relation thérapeutique, le thérapeute fait office de figure d’attachement transitoire. Son comportement doit permettre au patient de se sentir écouté, reconnu dans son individualité, protégé dans le sens où il peut s’exprimer librement, sans être jugé. Le thérapeute doit également être prévisible.

Le travail en ICV repose indépendamment des outils utilisés sur la capacité du thérapeute à être accordé à son patient et ainsi lui donner les bases pour acquérir un attachement secure.

La ligne du temps

Dans la thérapie ICV, la ligne du temps représente l’outil utilisé dans chaque séance. En fonction de l’objectif de la séance celle-ci va démarrer à des périodes différentes de la vie. La ligne du temps renvoie à la liste de souvenirs du client. Ils sont classés par ordre chronologique et font référence à un événement ou moment précis dont il a partiellement ou totalement conscience. En fonction de nos caractéristiques propres, de notre histoire, de la manière dont nos figures d’attachement se sont occupées de nous, nous allons avoir plus ou moins de souvenirs explicites.

Interactions précoces
Trauma

Interactions précoces

Voyons comment se développe notre cerveau ! Le cerveau du bébé humain est immature à la naissance et arrivera à maturité à l’âge adulte. Les connexions neuronales (synapses) commencent à se former déjà dans le ventre de la mère. A partir de la naissance, leur nombre augmente de façon exponentielle jusqu’à 5 ans. Le bébé humain reçoit chaque information de manière brute, celle-ci laisse comme une trace de mémoire dans le corps. Il s’agit d’une période extrêmement sensible car chaque expérience vécue crée une connexion neuronale. Ainsi, en fonction de l’environnement dans lequel il grandit, son cerveau sera plus ou moins stimulé. A mesure de grandir, une sélection s’opère, ainsi les connexions les plus utilisées sont renforcées et les moins utilisées disparaissent (ce qu’on appelle l’élagage). Le cerveau conserve les connexions les plus fréquentes. Toutes les expériences vécues vont donner ce qu’on pourrait appeler une ambiance interne. En fonction de l’environnement dans lequel le petit grandit, cette ambiance interne se situera sur un continuum allant d’un sentiment de sécurité à celui d’une insécurité quasi permanente.

Cette ambiance interne, les évènements vécus ainsi que la manière dont ses figures d’attachement s’occupent de lui vont permettre l’intégration (sera définie dans le 3ème point) de l’information et son stockage en mémoire auto biographique. Cette dernière désigne le processus par lequel la personne se souvient des évènements vécus avec leur contexte (date, lieu, état émotionnel, des informations sensorielles comme l’odeur, le goût, etc.). La mémoire auto biographique contient autant les connaissances générales que les expériences vécues propres à l’individu. Ces dernières permettent à l’individu de se construire un sentiment d’identité.

Que se passe-t-il quand cette intégration ne peut pas se faire ?

Trauma

Nous entendons souvent parler de trauma, de traumatismes, de dissociation mais à quoi cela renvoie-t-il ? De manière simple, le trauma renvoie à un événement qui a été effractant pour la personne. Le traumatisme quant à lui renvoie aux conséquences psychologiques, souvent une intensité et persistance émotionnelle d’un trauma. La dissociation renvoie, quant à elle, au mécanisme mis en place par une personne pour tenter de « gérer » le traumatisme.

Notre capacité à gérer un évènement potentiellement traumatique va dépendre de notre capacité à réguler nos émotions (cf. la fenêtre de tolérance). Cette dernière est fonction de l’intensité de l’événement et de la manière dont l’environnement a pu contenir et accepter les émotions de la personne lorsqu’elle était petite (cf plus haut).

La thérapie ICV a deux axes d’intervention. Un premier niveau permet d’intégrer un événement traumatique de la vie d’un individu, circonscrit dans le temps et dans l’espace, qui sera ainsi « digéré » et stocké dans la mémoire autobiographique. Un second niveau permet à l’individu d’acquérir un sentiment de sécurité interne en intégrant les différents évènements de sa vie. Cela lui permet de ressentir de la continuité dans son histoire de vie, d’accéder à une meilleure régulation émotionnelle et donc d’améliorer sa capacité à appréhender les situations présentes de la manière la plus adaptée pour lui et pour la qualité de ses relations interpersonnelles.

La répétition de la ligne du temps

L’impact de la répétition de la ligne du temps s’explique par les neurosciences et a pour objectif l’intégration des évènements de vie dans un tout cohérent.

Neurosciences
Intégration

Neurosciences

Les neurosciences renvoient à l’étude scientifique du système nerveux tant du point de vue de sa structure que de son fonctionnement. Dan Siegel a beaucoup travaillé sur le neurobiologie interpersonnelle (NBPI). Cette dernière combine plusieurs approches dans un même objectif le psychisme et son épanouissement. Elle s’intéresse à la manière dont « notre esprit (pensées, émotions, attention et conscience), notre cerveau et le reste de notre corps sont indissociablement liés à nos relations aux autres et au monde qui nous entoure pour façonner ce que nous sommes » (Dan Siegel, 2021). Finalement, l’idée est que nous sommes ce que nous sommes du fait de nos relations.

Aujourd’hui, nous savons que ce que nous vivons au quotidien permet à l’architecture du cerveau de se transformer. Ce qu’on appelle la neuro plasticité cérébrale. Nous savons que lorsque deux zones déchargent simultanément elles se lient ensemble par des connexions neuronales (Loi de Hebb). La répétition de la LT au cours d’une séance et d’une séance à une autre permet, au fur et à mesure, d’augmenter le nombre de connexions neuronales. Le fait que les évènements s’intègrent et se lient entre eux permet à la personne d’acquérir, au fur et à mesure, un sentiment de cohérence, de globalité et de continuité de son histoire.

Intégration

Notre cerveau est composé de différentes zones ayant chacune un rôle spécifique. Nous avons, entre autres, une zone qui nous aide à réfléchir logiquement et à organiser nos pensées en phrase (hémisphère gauche), une zone qui nous permet de ressentir des émotions et de lire des indices non verbaux (hémisphère droit). Une autre zone nous permet d’agir instinctivement et de prendre des décisions instantanées en situation de survie (le cerveau « reptilien »), une autre encore qui nous incite à nouer des relations (cerveau « limbique »). Pour en citer quelques unes. « L’intégration permet aux aires cérébrales distinctes de fonctionner comme un tout » (Siegel, 2015) l’objectif de l’intégration est de relier les différents éléments les uns aux autres dans un tout cohérent et efficace. L’intégration se fait de façon horizontale en reliant les deux hémisphères, et de façon verticale en reliant les aires cérébrales supérieures (liées à la réflexion) aux aires inférieures (liées à l’instinct, à la survie).

Lorsqu’un événement est intégré, la personne peut y repenser, se connecter aux émotions ressenties à ce moment là, ressentir le goût, l’odeur, etc. Elle peut également le mettre en lien avec d’autres évènements plus ou moins similaire. Surtout elle peut se baser sur les ressources qu’elle a utilisées pour la gérer et les réutiliser le cas échéant. Elle devient plus résiliente.